chateau evenosCe petit village médiéval de Provence dégage une indéfinissable fascination. Arrivés à hauteur d’un oratoire, nous découvrons un décor surprenant, inattendu : d’énormes roches basaltiques nous accueillent. Impressionnés, curieux, nous sommes attirés par les ruelles et les charmantes maisons construites de roches volcaniques, pas de cette couleur noire si caractéristique mais triste. Par coquetterie et avec la complicité des siècles, tous les moellons se sont parés d’une multitude de discrètes couleurs, du gris-vert sombre à marron, par la magie de l’altération et de l’oxydation du fer.

Après avoir dépassé le château, imposant, fier, sereinement assis sur d’énormes prismes basaltiques, nous arrivons sur une esplanade, véritable scène, ouverte sur l’une des plus belles représentations : la formation complexe de la Provence.
Le volcanisme de la région provençale est très ancien : il remonte au Permien (260 Ma *). Tout près d’ici, le volcan du Beausset, plus récent, fin du Tertiaire (10 Ma), recouvre la pénéplaine du Miocène par ses dernières coulées de lave datées d’environ 6 Ma.
L’étude de cet ensemble est d’autant plus difficile que sont intervenus des mouvements tectoniques, des effondrements, des inversions de relief, l’érosion et … la civilisation humaine.
Bien que le volcanisme du sud de la France soit surtout andésitique (environ 60 % de silice), la région du Beausset est plus basique (environ 50 % de silice). Les laves ont été émises, soit par des fissures (volcanisme fissural), soit par de larges cratères (volcanisme central).

Evenos est situé entre, à l’ouest la cuvette synclinale du Beausset dont la mer s’est retirée vers la fin du secondaire (au campanien : 70 Ma) et à l’est, une surface d’érosion continentale avec dépôts torrentiels (34 Ma) sur laquelle nous retrouvons le passage de coulées de lave longeant le Destel. C’est une région géologique très tourmentée et, donc, captivante.
Au nord nous apercevons la plus haute et importante accumulation de roches volcaniques : le rocher de l’Aigle (600 m d’altitude). La thèse retenue pour le moment, situe le départ des coulées dans le secteur des Sambles, où le basalte traverse en filons la zone calcaire.
Nous trouvons différents vestiges de cette époque volcanique : des lambeaux de laves, des affleurements, des entablements, représentant un empilement de coulées successives d’environ 35 mètres d’épaisseur au rocher de l’Aigle.
Ces coulées, après avoir rejoint les épanchements du Pas de la Masque auraient parcouru environs 15 km recouvrant la Piosine, Evenos, la Courtine, la zone des Playes, pour arriver – épaisses de 15 m – à la Pointe Nègre.

 


Fort de pipaudonLe Fort du Pipaudon (380 m) et le village d’Evenos (360 m) sont construits sur ces lambeaux de laves particulièrement impressionnants qui ont protégé leurs socles de l’érosion et de l’agression du temps. Ces socles laissent apparaître des calcaires et des galets recouverts par 6 coulées de lave.

Ce qui est intéressant – dans ce volcanisme ancien – c’est que, pour les scientifiques et les passionnés, les recherches et controverses sont loin d’être terminées : les cheminées d’émission des laves de toutes ces régions ne sont pas vraiment déterminées. Les affleurements d’Evenos et du Destrier pourraient certainement contribuer à apporter des réponses.


L’observation des filons et des strates, constitués par superpositions de coulées de consistances différentes, parfois recuites par la chaleur (phénomène de rubéfaction), présente un sujet d’étude ou de découverte exceptionnel.


Le Rocher de l’Aigle nous offre une poche de dissolution (sorte de grotte volcanique dont la voûte est constituée d’une coulée lamellaire) caractéristique et, sous Evenos, des « Torres » (chenal d’écoulement de lave qui, par refroidissement, forme ensuite un tube ou un tunnel).

 

Activités et ressources d’Evenos.
Cette région volcanique, située dans une zone à forts mouvements tectoniques, possède une grande diversité d’exploitation :

- les sables du Val d’Aren et du Cimay, associés à de gros blocs gréseux , ne sont plus exploités que dans les carrières du Val d’Aren et sur le flanc ouest du Pipaudon. Ce sable blanc, très fin, a un taux de silice élevé (+ de 90%) fort apprécié en maçonnerie.
- la roche basaltique d’Evenos a servi à la construction du village mais a, aussi, été exploitée au sud du Destrier et de la Courtine (en particulier pour la construction des routes).
- Les grès de Sainte-Anne (la barre des Aiguilles) fournissent des calcaires marbriers très connus, classés – uniques en Europe. Ils seraient parmi les plus beaux après ceux de Carrare en Italie : rosé phocéen, orange varois, faron veiné vert et crème, jaune provençal, faron jaune, jaune Mireille, blanc d’Evenos … autant de couleurs variées propices à l’admiration et à la rêverie. Ces matériaux ont été utilisés dans les revêtements les plus divers.

Paléontologie.

N’oublions pas l’intérêt paléontologique de la commune : on y trouve quantité de fossiles, témoins des différentes ères géologiques et une fort intéressante microfaune et microflore et, même, la présence d’algues !


La géologie et la spéléologie trouvent une part importante dans l’intérêt de ce site vraiment privilégié : grottes, gouffres, marmites géologies, avens … des plus accessibles au plus grandioses (maramoye). La promenade, au fil du Destel, aide à découvrir toutes ces merveilles de la nature.
Pour les courageux, en empruntant plusieurs boyaux très étroits, en traversant des grottes impressionnantes, nous assistons à un spectacle rare : la découverte d’une nappe phréatique qui est la source du court d’eau qui serpente dans la vallée d’Ollioules.

Après chaque randonnée et découverte d’un nouveau site, d’une nouvelle roche, d’une nouvelle fissure, qu’il est excitant de « remonter » rêver à Evenos, heureux de chaque plaisir nouveau qu’il nous a dévoilé et, assis au bord du « cratère », d’admirer ce paysage que nous comprenons chaque fois un peu mieux.

 


Sources documentaires :
- Le volcanisme en France – Masson
- Structure de la région toulonnaise – C. Gouvernet
- Thèse de Christian Coulon
- J.M. Bardintzeff – docteur en volcanologie – Paris-Orsay
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