Un peu d’histoire sur le lavoir...
En tout temps les femmes ont lavé à la rivière ou au bord de l’étang, ou même à la fontaine, quand elle existe. Avec les inconvénients que l’on peut imaginer dans le cas des fontaines : on y venait puiser l’eau nécessaire à la vie et cette eau était souillée par le lavage.
La création des lavoirs résulte ainsi d’une prise de conscience collective de l’importance de la salubrité publique et des principes élémentaires d’hygiène. « Choléra, variole et typhoïde meurtrissent le XIXème siècle. Or, en ces temps rationnels, l’attitude face aux épidémies diffère totalement de celle des siècles précédents : elles ne sont plus vécues comme des punitions du ciel et, plutôt que de s’incliner devant la fatalité, la raison commande de prévenir leur apparition.
L’eau devient l’objet d’une attention accrue. Que ce liquide puisse propager des maladies est désormais prouvé. Veiller à sa pureté devient un impératif. Or la cause principale de son insalubrité réside en ce qu’un même point d’eau sert à de multiples usages. Les femmes vont laver leur linge à la rivière, à la fontaine ou à la mare communale. Les inconvénients sont évidents : les habitants qui viennent s’approvisionner à la mare ou à la fontaine pour leurs tâches domestiques n’y trouvent qu’une eau souillée par les savons et les saletés » . Il apparaît nécessaire de supprimer au plus vite ces foyers d’infection. L’édification de lavoirs s’impose. En plus de l’amélioration de la salubrité publique, les lavoirs apporteront un progrès de l’hygiène individuelle. La propreté du corps devient un impératif et celle du vêtement l’est tout autant. Les épidémies ont appris que le linge peut véhiculer des germes malsains.
Les premiers bâtiments réservés au lavage n’apparaissent qu’au temps des Lumières. Il faut attendre le siècle suivant pour qu’ils équipent villes et villages, quelle que soit leur importance. L’Assemblée législative vote un crédit de 600 000 F le 3 décembre 1851, sous Napoléon III, pour la construction de lavoirs publics.
En examinant l’histoire locale, on constate effectivement que c’est après 1850 que ces lavoirs firent vraiment et partout leur apparition, les lavoirs tels que nous les connaissons : aménagés, couverts, transformés en bâtiments fonctionnels et considérés comme indispensables à la vie de la cité. L’année de construction est parfois gravée sur les poutres, comme à Jasseines : 1874 ; à Viviers-sur-Artaut, une plaque gravée remercie la donatrice dont la générosité a permis l’édification du lavoir en 1872. On utilisera ces lavoirs même après la guerre de 1914-1918, on répare encore ceux qui existent, et même on en construit de nouveaux par exemple à Clérey en 1920, à Villemoyenne en 1935.
Mais comment les femmes peuvent-elles se livrer au lavage du linge avec entrain quand il leur faut rester agenouillées ou courbées sur une planche à laver, durant des heures, au bord d’une rivière ou d’une mare, exposées à toutes les rigueurs des saisons ? « De pitoyables spectacles se déroulent sur la voie publique [...]. Certaines femmes profitent de l’agitation de 1848 pour réclamer haut et fort des meilleures conditions de travail, surtout pour l’entretien du linge. Décidée à soulager les classes laborieuses, l’Assemblée législative vote le 3 décembre 1851 un crédit de 600 000 francs destiné à la construction de lavoirs publics ; grâce aux commodités que ces établissements apporteront, les lavages seront moins pénibles et plus fréquents . L’Assemblée décide de multiplier leur nombre car « plus il y a de moyens de faire, plus on s’en sert » . Et les habitants eux-mêmes pressent leurs édiles de décider l’édification d’un lavoir. « Par suite des plaintes continuelles et pour chercher à satisfaire le vœu unanime des habitants de Bazemont, le conseil municipal a encore, dans sa séance d’hier, fortement parlé de l’établissement d’un lavoir public » (délibération du 21 août 1862). A Brienon-sur-Armençon, dans l’Yonne, l’édifice tant souhaité est inauguré sous les applaudissements de tous les administrés. A Lirey, dans l’Aube, le conseil municipal a fait de nombreux efforts, par suite du manque d’eau, et consacré de nombreuses délibérations depuis 1873 pour arriver à obtenir un lavoir qui soit utilisable même pendant les mois d’été.
En définitive, la création des lavoirs a développé à la fois le souci de propreté, et les notions d’hygiène. En facilitant un tant soit peu le labeur des lavandières, ces lavoirs vulgarisèrent et encouragèrent un meilleur entretien du linge et des vêtements.
Le succès de cette innovation créera d’autres désagréments pour ces femmes : « Trouver une place est parfois si ardu qu’elles s’obligent à de douloureux sacrifices : le jour est à peine levé qu’elles manient déjà le battoir et exaspèrent les riverains privés de sommeil par tant de vacarme » Pauvres femmes, tenues de remplir une tâche bien difficile et critiquées pour leurs bavardages : « Hôtel des bavardes, moulin à paroles, bureau des bavardes, chambre des députés, voilà comment le village baptise le lavoir. »
Les catégories de lavoirs.
A l’origine, un lavoir est un simple plan d’eau ou un bassin plus ou moins bien aménagé. La majorité des bassins est rectangulaire. Selon leur importance, on trouve un simple bassin utilisé pour laver et rincer ; dans d’autres, plusieurs bassins permettent de séparer lavages et rinçages (Sainte-Anne). Plus tard on le couvre d’un toit supporté par au moins quatre poteaux corniers. On trouve encore quelques lavoirs sans toit, simples bassins ouvert “aux quatre vents”. Bientôt, on protège la santé des lavandières d’abord par un toit, puis en fermant les murs sur deux ou trois côtés, ou jusqu’à mi-hauteur. Ce sont là des bâtiments de « plein-vent », qui n’assurent qu’une protection relative. Le quatrième côté reste souvent ouvert, béant sur le plan d’eau, abrité cependant par une avancée de la toiture. Puis, le goût du confort aidant, les lavoirs s’enferment, on les clôt entièrement pour protéger les laveuses de la pluie et du vent. Ils deviennent de véritables salles de lessive. On les dote de hautes verrières, ainsi que de systèmes d’aération capables de remplacer la ventilation naturelle. Dans certains lavoirs, on construit une cheminée pour les journées de lavage l’hiver !
On trouve deux grands types d’architecture :
- des constructions en pans de bois et/ou torchis et briques.
- des constructions en pierre et briques.
Les toitures sont faites le plus souvent en tuiles du pays ; quelques modestes lavoirs étant couverts en tôles.
Les bassins, fréquemment bordés de pierre, sont le plus souvent simples, parfois doubles pour permettre de séparer zone de lavage et zone de rinçage. « Qu’il s’agisse de pierre ou de ciment, ils furent usés jusqu’à la beauté », écrit Marie Rouanet .
Les toitures ont un ou deux pans pour les plus simples ; parfois trois ou quatre pans, ou plus ; quelquefois une double toiture permet l’aération . Parfois ils sont équipés d’une cheminée. Parfois, il existe un impluvium central : seul le bassin est à découvert, le toit incliné permet à l’eau de pluie de tomber dans le bassin, tout en maintenant la lavandière à l’abri. Les murs sont aveugles, l''éclairage arrive par le haut.
Les laveuses avaient besoin d’une eau en quantité suffisante et constamment renouvelée, pour emporter toutes les salissures et les dernières traces de savon. En certains lieux, la sortie de l’eau et parfois l’arrivée étaient réglés par des vannes. Certains bassins étaient prévus avec une bonde de vidange.
Maintenant, on ne vient plus laver dans le lavoir...
Sources : « La France des lavoirs » , de Christophe Lefébure, aux Editions Privat ; « Revue «Au lavoir » de la S.A.F.A.C. septembre 1984 .